Francafrique : "Désormais, le clan Bongo ne jouit plus de la même impunité"
Antoine Glaser est rédacteur en chef de La Lettre du continent et
coauteur avec Stephen Smith de Sarko
en Afrique (éd. Plon, 2008). La
justice française a saisi, jeudi 26 février, des comptes bancaires du
président du Gabon. Omar Bongo avait été condamné à verser 457 347
euros au fils d'un chef d'entreprise français qui avait dû payer cette
somme pour faire libérer son père, René
Cardona, détenu à Libreville. Cette affaire peut-elle
faire des émules et susciter de nouvelles plaintes ?
Il s'agit d'une affaire privée et relativement mineure si l'on s'en tient aux montants impliqués. Le président gabonais et sa famille était actionnaires dans la société de René Cardona. Comme ailleurs en Afrique, c'est très difficile de travailler au Gabon si on ne dispose pas de protection au plus haut niveau de l'Etat. Mais c'est moins l'aspect judiciaire de cette affaire que sa médiatisation qui nous intéresse. D'autres particuliers ayant connu le même type de problèmes que M. Cardona savent désormais que le clan Bongo ne jouit plus de la même impunité. Ce sont parfois de petites affaires qui font rebondir les gros dossiers.
Quel rapport entretient la France avec le Gabon ?
Les
relations franco-gabonaises sont très anciennes. Après la guerre
d'Algérie, c'est le Gabon qui a assuré, à travers Elf,
l'approvisionnement énergétique de la France. Pendant toute la période
de la guerre froide,
Omar Bongo était "notre homme à Libreville". Il a couvert toutes les turpitudes de la France en Afrique. Ce n'est pas un hasard si les mercenaires français engagés dans la guerre du Biafra stationnaient au Gabon. Aujourd'hui encore, quand Omar Bongo descend à l'Hôtel Meurice, toute la classe politique vient lui rendre visite. De gauche comme de droite. Plusieurs Gabonais siégeaient au premier rang lors du dernier congrès de l'UMP...
Omar Bongo était "notre homme à Libreville". Il a couvert toutes les turpitudes de la France en Afrique. Ce n'est pas un hasard si les mercenaires français engagés dans la guerre du Biafra stationnaient au Gabon. Aujourd'hui encore, quand Omar Bongo descend à l'Hôtel Meurice, toute la classe politique vient lui rendre visite. De gauche comme de droite. Plusieurs Gabonais siégeaient au premier rang lors du dernier congrès de l'UMP...
Quelles sont les relations de
Nicolas Sarkozy avec Omar Bongo ?
Nicolas Sarkozy avec Omar Bongo ?
Il ne peut rien lui refuser. D'abord, Omar Bongo a toujours fait partie des principaux acteurs du "village" franco-africain. Il connaît Nicolas Sarkozy depuis ses premiers pas au RPR. Quand les deux hommes se rencontrent, les discussions portent davantage sur la politique française que sur l'état du Gabon. Leurs relations ne sont pas aussi étroites qu'à l'époque de
Jacques Chirac, mais Bongo reste un homme incontournable en Afrique. C'est toujours à lui que l'on fait appel en cas de problème.
Jacques Chirac, mais Bongo reste un homme incontournable en Afrique. C'est toujours à lui que l'on fait appel en cas de problème.
A combien estime-t-on les avoirs du clan Bongo en France ?
C'est très difficile à évaluer. Le clan Bongo est très installé dans la capitale. Le président gabonais a une quarantaine d'enfants naturels et adoptés. Tous ont fait des études en France et disposent d'appartements et de voitures. Le montant des biens de cette nomenklatura gabonaise est considérable.
D'où vient cette fortune ?
Le Gabon est un petit pays peuplé d'un million d'habitants, dirigé depuis cinquante ans par le même homme. De son palais du bord de mer, Omar Bongo règne en patriarche. Sa fille Pascaline dirige le cabinet présidentiel. Son fils Ali est ministre de la défense. Beaucoup d'enfants sont à la tête de sociétés d'Etat. Tous les barons régionaux sont cooptés. Cela crée des réseaux politiques et financiers très intégrés. Il faut savoir que 80 % à 90 % des recettes du Gabon viennent du pétrole.
La médiatisation de l'affaire des biens immobiliers et, aujourd'hui, du procès Cardona sonne-t-elle le glas d'une certaine politique africaine ?
La "Françafrique" est comme un gros bateau : même si elle est en phase finale, elle ne va pas disparaître du jour au lendemain. Paris peut toujours compter sur Omar Bongo pour lui rendre service. C'est le président gabonais qui a organisé la rencontre de
Carla Bruni-Sarkozy avec Nelson Mandela en février
Carla Bruni-Sarkozy avec Nelson Mandela en février
Mais le système se délite. La politique française en Afrique est en
train de se judiciariser. En témoignent l'Angolagate, l'affaire Borel à Djibouti, l'affaire Kieffer en Côte d'Ivoire ou encore
l'affaire des biens immobiliers. Aujourd'hui, toutes ces histoires sont très médiatisées. L'Afrique
fait peur à Nicolas Sarkozy. Il souhaite se désengager du continent,
d'autant plus que la France, en perte d'influence, n'a plus les moyens
d'une politique bilatérale comme à l'époque de la guerre froide. Ce
n'est pas un hasard si Nicolas Sarkozy répète à qui veut l'entendre que
la France a plus d'intérêts au Proche et au Moyen-Orient.
Propos recueillis par Elise Barthet
2008. C'est Libreville qui a servi de plate-forme lorsqu'il a fallu évacuer certains citoyens Français du Tchad. C'est Ali Bongo qui est intervenu pour faire libérer les journalistes français emprisonnés à Niamey.