Economie/Tchad: La Récession économique : Quelles conséquences pour le Tchad ?
La
récession économique actuelle dans le monde affectera le Tchad dans sa
croissance à cause de la baisse des recettes liées aux ressources
pétrolières et du recadrage probable des aides bilatérales et
multilatérales.
Après la crise financière, tous les pays développés, principaux
partenaires économiques du Tchad, annoncent la récession économique en
attendant probablement une crise économique. Ils connaissent déjà ou
connaitront une forte baisse de leurs productions durant toute l’année
2009. Dans ces conditions, il est évident que cette situation se
répercutera sur l’économie du Tchad. En l’absence d’indicateurs précis
permettant de déterminer exactement à quelle période le Tchad subira
l’effet de la récession, nous pouvons, à travers d’autres indicateurs
de la conjoncture et de la croissance, ressortir les secteurs fragiles
et sensibles, susceptibles d’être paralysés si des mesures
structurelles et conjoncturelles ne sont pas anticipées pour protéger
l’ensemble de l’économie nationale. Nous nous focaliserons précisément
sur les sources de financement des programmes de développement et
l’orientation de la politique économique à moyen et long termes
récapitulé dans le document de la Stratégie Nationale de Réduction de
la Pauvreté qui consacre un volet spécifique à la relance et au
maintien de la croissance économique à l’horizon 2015.
La baisse des ressources d’exportation
Dans
le cadrage macro économique, la première et principale source de la
croissance économique du Tchad est l’accumulation des recettes
pétrolières cumulées aux effets positifs d’un afflux d’investissements
directs étrangers. De ce côté, les chiffres ne font pas craindre le
pire, car théoriquement ce ne sont que les retombées directes qui vont
en pâtir puisque directement indexées sur le prix du brut actuel.
Fluctuant au-delà de 102 milliards de Fcfa annuel, on peut s’attendre
logiquement à une baisse du surplus attendu à cause de la chute des
cours. En ce qui concerne les revenus indirects, leur baisse sera plus
accentuée du fait de la conjoncture continuellement dégradante et de la
fermeture des usines de sidérurgie et de la diminution des travaux de
construction et de transport ayant une forte consommation des matières
premières énergétiques dans les principaux pays clients du Tchad déjà
en récession, à savoir les USA, la France, l’Allemagne et surtout la
Chine. Pour cette dernière, le trop d’optimisme du Tchad dans la
coopération et les accords doit être tempéré et conduit prudemment, car
son économie est en récession à 7,5% du taux de croissance, son plus
bas niveau depuis 19 ans. Ainsi, l’on s’attendra à voir en baisse les
recettes pétrolières, les dépenses publiques dans les secteurs
prioritaires, l’investissement privé, la croissance et l’emploi dans
les secteurs non pétroliers.
Les institutions financières internationales
La
deuxième source sûre de financement des programmes de développement du
Tchad à l’horizon 2015 est, en dehors des ressources pétrolières, la
coopération bilatérale, l’aide extérieure, la réduction des dettes (260
millions de dollars US) conditionnée par la stricte observation de la
Facilité de réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC).
Malheureusement, ce dernier programme est suspendu depuis août 2005 au
premier décaissement de 38 millions de dollars couvrant la période
2005-2008. La dernière mission du FMI, du 06 au 19 novembre 2008,
conduite par Sukhinder, chef de division adjoint au département
Afrique, n’a pas donné des indications précises sur la reprise des
financements. La démarche du FMI serait donc plus d’ordre technique en
vue d’apprécier les indicateurs de la croissance du Tchad que pour la
reprise effective des financements. La déclaration finale de la mission
souligne que : « le FMI reste prêt à appuyer le Tchad en lui apportant
ses conseils de politique économique et son assistance technique, si
des progrès suffisants sont accomplis dans la gestion des finances
publiques, par l’intermédiaire d’un programme de référence ». Quant à
la Banque Mondiale, détenant au 30 septembre 2007 un ensemble de dix
projets actifs correspondant à des engagements de financement de 302
millions USD dans le cadre de la stratégie d’assistance-pays, elle
s’est faite remboursée de manière anticipée les prêts au Tchad. Son
départ classe désormais le Tchad dans le box des mauvais élèves.
Pointant du doigt la mauvaise gestion financière du pays, elle ne
serait pas prête à reprendre la coopération avec le Tchad si l’ensemble
de ses conditions n’est pas rempli. Ce qui est un dilemme pour le Tchad
pour qui la Banque Mondiale a depuis toujours été le garant des
investissements parmi lesquels le projet pétrole. Tout compte fait, le
seul partenaire financier détenant un projet de financement acquis est
l’Union Européenne pour la période 2008-2013 d’un montant de 299
millions d’euros dans le cadre du Xème FED.
L’état des politiques conjoncturelles
L’économie
du Tchad est une économie totalement ouverte. Le commerce, en
pourcentage du PIB, montre bien le degré d’ouverture de l’économie. De
1999 à 2005, le taux est passé de 50,5 à plus de 100% en 2004 et 98% en
2005. Ainsi, si l’augmentation des recettes du pétrole entraîne de
facto celle des dépenses publiques dans les secteurs prioritaires,
l’investissement privé, la croissance et l’emploi dans les secteurs non
pétroliers, la baisse des recettes pétrolières paralyserait
profondément les dépenses publiques dans les secteurs prioritaires. La
production du pétrole est en baisse depuis 2 ans et le serait encore
cette année. Même avant la récession économique, les
contre-performances du secteur pétrolier ont déjà affecté négativement
la croissance de 1,7 point en 2007. On s’attendait aussi à une baisse
des ressources pétrolières même en dehors de la crise. Si la réserve
accumulée de la manne précédente n’est pas stockée, il serait très
difficile de faire face à la conjoncture lorsque la récession
s’accentuera au courant 2009. En ce qui concerne les autres produits à
l’exportation, notamment les cultures vivrières et le coton, leur
contribution à la croissance économique est non seulement
insignifiante, mais surtout négligée car tout est axé sur les
contributions du secteur pétrolier. La contribution des cultures
vivrières à la croissance a été négative pour la deuxième année
consécutive. Il est extrêmement difficile de tabler sur une hausse de
la demande interne dans ce secteur. Du coté des finances publiques et
du fonctionnement des structures économiques, la situation pourrait
être plus inquiétante en temps de récession. Les mesures
conjoncturelles prises par les autorités ont dans leur ensemble échoué.
Pour mémoire, la non-application des mesures sur les matériaux de
construction. Les mesures conjoncturelles prises sur les prix ont
souvent été sources d’inflation. Au niveau du parlement, la situation
est plus confuse en matière de politique de régulation des prix et de
la concurrence. Du point de vue des organes d’études économiques en
place, l’Institut national des statistiques, des études économiques et
démographiques (Inseed) est techniquement peu doté en ressources
matérielles et humaines pour produire des indicateurs fiables en temps
réels permettant d’orienter la politique conjoncturelle. La situation
sera plus critique encore en temps de pleine récession si l’Inseed ne
fournit que des indicateurs partiels et avec retard. Cela aggraverait
la situation car nous serions amenés à appliquer des mesures et
politiques économiques de lutte contre la récession tirées des modèles
sur les indicateurs d’autres pays. Quant à la cellule économique et au
ministère de l’Economie et du plan chargés de l’élaboration de la
politique économique, les incohérences et les limites de la Stratégie
nationale de réduction de la pauvreté (SRNP) montrent bien que ces
organes n’ont pas encore cerné les besoins réels de l’économie
tchadienne et peinent toujours à élaborer les politiques économiques
spécifiques adaptées. Tout compte fait, l’on s’attend à ce que le
Tchad, une fois dans la tourmente des effets de la récession, ne soit
abandonné qu’à lui-même avec des structures et organes internes
autonomes très limités, ne permettant pas de prendre des mesures
précises et efficaces. Le soutien des institutions de Bretton Woods
n’est pas acquis et même s’il en sera question, ce ne sera qu’au moment
où le pays sera profondément touché pour éviter que la crise
humanitaire s’accentue. Certes, la Chine demeure le partenaire et allié
économique important avec un permis d’exploration pétrolière et un
gigantesque projet de 250 millions USD incluant la construction d’une
usine de raffinage et d’une centrale électrique. Mais il faut tempérer
l’optimisme de cette coopération car elle est désormais en récession.
Et la coopération avec le Tchad ne peut certainement pas primer sur la
vie des Chinois. Thierry Masra Mbanguingar
QUELQUES ORIENTATIONS POSSIBLES
Du
coté des organes et institutions économiques, théoriquement la venue
des économistes de formation expérimentés à la tête des institutions
financières clés est obligatoire. La ligne des nominations actuelles du
gouvernement doit être maintenu comme une des solutions de
restructurations des organes et institutions économiques quitte à ce
que ces institutions aient un accès aux données financières et
monétaires réelles et soient dotés d’une profonde motivation pour
conduire la politique de croissance au détriment des intérêts
politiques stratégiques.
1- Evaluer les réserves actuelles de la manne pétrolière épargnée et activer le fonds de stabilisation afin de confronter les possibilités de couverture des programmes et mesures de relance par les fonds internes si jamais le recours au financement externe n’est pas possible.
2- Lancer une vaste politique de grands travaux dans des investissements industriels sur les besoins réels de production et non de négoces et de services qui sont peu créateurs d’emploi et génèrent peu de valeur ajoutée. Ceci est non seulement créateur d’emploi à court terme mais permettrait surtout à terme de transformer sur place les matières premières à l’exportation et donc accroître la capacité productive du pays et sa compétitivité dans les secteurs non pétroliers.
3- Le fonctionnement des comptes spéciaux et la tenue des dépenses budgétaires devraient obligatoirement être réévalués et réorientés pour soutenir la politique précédente car certains investissements infrastructurels dans de nombreux secteurs finiraient par être improductifs et puisqu’ils ne sont pas vraiment des besoins réels.
4-
Lancer un vaste programme de productions des cultures vivrières pour
une autosuffisance alimentaire agricole à l’instar du Sénégal.
par Naygotimti Bambé(cefod)