Hissène HABRE : Le héros et le ‘criminel’
Hissène Habré n'est pas n'importe quel accusé. Il a lutté contre l'impérialisme américain, français et a fait face avec succès à son puissant voisin le colonel Kadhafi. En plus, il était normal que, par rapport à nos traditions africaines de moolaadé ou le droit d'asile, que le Sénégal lui accordât l'asile politique. Habré a eu la chance d'avoir reçu l'hospitalité d'un pays comme le Sénégal où on refuse le déshonneur et l'humiliation. Un pays fidèle à la France, mais enraciné dans ses fortes traditions africaines et d'ouverture au reste du monde. Personne ne pouvait se permettre de venir ‘cueillir’ M. Habré comme un chien au Sénégal.
Les
Etats-Unis et la France ont soutenu Habré quand ils l'ont considéré
comme un rempart contre le leader libyen Muammar Kaddhafi. Il a
bénéficié sous Ronald Reagan de l'appui de la Cia. On l'a aidé à
prendre le pouvoir, à entraîner ses hommes. Malgré l’enlèvement par
Habré et ses hommes, alors en rébellion contre le pouvoir central, de
l'anthropologue française Françoise Claustre en 1974 et le meurtre du
capitaine Galopin venu négocier la libération de sa compatriote en
1975, la France a également soutenu Habré contre la Libye, en lui
procurant armes, soutien logistique et renseignements, et en lançant
les opérations militaires ‘Manta’ (1983) et ‘Epervier’ (1986). Mais
comme la France a toujours cherché une alternative à Habré, elle n’a
pas hésité à appuyer la rébellion d’Idriss Déby.
Autre
paradoxe, la Commission d’enquête sur les crimes de Habré recommandait,
dès 1992, d’engager des poursuites judiciaires contre les auteurs des
atrocités, mais le gouvernement actuel du Tchad n’a jamais cherché
l’extradition de Habré du Sénégal, ni n’a engagé des poursuites contre
ses complices restés au Tchad. Comment juger Habré ou même le condamner
au besoin en disculpant Idriss Deby, son ex-bras droit ?
Un
autre élément, c'est cette propension à l'ethnicisation de tous les
conflits en Afrique. On accuse Habré, issu de l'ethnie des Gorane,
d'avoir commis des assassinats et des tortures sur des personnes qui
seraient notamment des Sara et d’autres groupes du Sud, des Hadjeraïs
et des Zaghawas.
El H. G.W. NDOYE
Hissène HABRE : Le héros et le ‘criminel’