Opinion: Les dirigeants de l’opposition armée nous ont, enfin, entendus !(Lyadish Ahmed)
Les dirigeants de l’opposition armée nous ont, enfin, entendus ! Voilà, résumés en une phrase, les divers commentaires et réactions des Tchadiens lus sur internet ou entendus dans les conversations après la décision de la création de l’Union des Forces de la Résistance par les dirigeants des huit mouvements armés qui ont, en outre, consenti à désigner par consensus un des leurs à la tête de la nouvelle structure militaro-politique qui affaiblira Déby pour mieux le chasser du pouvoir. Il avait fallu sans doute de l’audace aux diverses ambitions politiques aussi fortes pour diluer les intérêts en lutte et soutenir un commandement unique au-delà des divergences ethniques dont on les accuse. La stratégie de Déby ne trompera plus personne !
Nous savons assez que le tyran de N’Djamena a, de tout temps, exploité
de façon malsaine la diversité ethnique de notre beau pays pour
éparpiller les forces politiques dans le seul but de se maintenir au
pouvoir à vie. Si vous n’êtes pas militant du MPS alors que vous êtes
Moundang, c’est que vous êtes avec Saleh Kebzabo. Vous êtes Gorane et
vous n’êtes pas avec le MPS ? Pas d’inquiétudes, il n’y a aucun risque
que vous soyez avec Kamougué. Vous êtes Kanoumbou et vous n’êtes pas
avec Lol M. Choua ? Votre place est obligatoirement au MPS. Vous êtes
Zaghawa ? Vous devez être dans le MPS ou sinon vous quittez le Tchad
pour vous réfugier en Amérique ou en Europe.
Ce tableau est un peu caricatural, certes, mais il n’en demeure pas
moins vrai que 100 partis politiques pour une population d’à peine 10
millions d’âmes, c’est quand même 100 composantes ethniques différentes
sur les 160 environ que compte le Tchad. Une exception « culturelle »
tchadienne constatée nulle part ailleurs dans le monde contemporain.
Le même phénomène d’étiquetage clanique insidieusement mise en avant
s’est transporté naturellement au niveau de l’opposition armée dont les
dirigeants appartiennent forcément à au moins une ethnie du Tchad. Malgré la diversité ethnique de leur
composition, l’UFDD du général Mahamat Nouri est présentée comme un
mouvement armé des Gorane, l’UFCD d’Adouma Hassaballah est perçue comme
un groupement armé des Ouaddaï, l’UFDD-F, le FSR, la CDR sont
indiscutablement des groupes armés des Arabes du Tchad, le RFC est un
rassemblement de Zaghawa, etc.
Alors qu’Hissein Habré a cherché à « UNIR » les Tchadiens et qu’au
temps de son prédécesseur, Tombalbaye, l’appartenance ethnique des
populations n’était pas mise en avant dans la gestion de la cité,
Idriss Déby, lui, n’a pas trouvé mieux que de jouer (sinon suscité) sur
la conscience ethnique pour nous faire douter de notre citoyenneté
tchadienne et nous réduire au statut de simple membre d’une ethnie
parmi tant d’autres . Vous êtes avec moi au MPS ou sinon vous ne saurez
renier votre ethnie pour vous mettre au service d’une autre ethnie et
lui accorder votre suffrage. Le tyran de N’Djamena a poussé le cynisme
tellement loin au point de semer le doute sur l’appartenance ethnique
des membres de son propre clan en distinguant les Itno et les autres
Zaghawa. Vous êtes d’abord des Itno avant d’être des Zaghawa. Etrange
chef d’Etat !
Il n’est pas utile de revenir sur ce qui a pu faire échouer la
tentative de renversement de son régime en février 2008 sinon pour
rappeler que tout le monde (et en premier les dirigeants de la
résistance armée) vous dira que les divergences nées au dernier moment,
à N’Djamena, avaient eu leur source dans la méfiance de voir une ethnie
(gorane) reprendre le pouvoir ou une autre (zaghawa) se succéder à
elle-même au pouvoir. L’ « après-guerre » a été marqué par la scission,
d’avec les autres, de ceux qui s’étaient étonnés que leurs ethnies,
numériquement importantes, n’avaient curieusement pas voix au chapitre
dans la lutte contre la tyrannie. L’année 2008 a été une année
douloureuse autant pour ceux qui ont perdu des proches dans les
différents combats que pour ceux qui, comme moi, ont découvert que les
responsables politiques tchadiens ont toujours cherché et chercheront
encore à faire passer leurs intérêts et ceux de leur ethnie avant
l’intérêt général du peuple tchadien. Pour parler crûment, on était
dégoûtés de la petitesse de visions politiques des dirigeants de
l’opposition armée qui nous ont offert un spectacle des plus ridicules
jamais vus. Et notre dégoût n’avait eu d’égale que la désolation semée
par Déby après février 2008.
Idriss Déby a endeuillé les Tchadiens, enrôlé des enfants dans son
armée, détourné les revenus pétroliers, démoli les maisons des pauvres
citoyens, affamé femmes et enfants sans se soucier des conséquences des
mesures qu’il prend sur l’état de santé des populations. Tout cela, il
a promis de le faire au lendemain de sa reprise en main de la ville de
N’Djamena le 6 février 2008. Il avait promis de punir les Tchadiens
devant la presse internationale, et il l’a fait et continue à le faire.
Aujourd’hui, la désolation est incommensurable parmi les populations
tchadiennes sans distinction d’ethnies ni de position sociale. Pourquoi
alors ne devons-nous pas nous mettre ensemble pour donner de la force à
nos espérances afin que se réalisent nos attentes de voir chuter ce
régime qui nous a tant de fait de mal ?
Le 24 janvier 2009, les dirigeants de l’opposition ont décidé, par
consensus, de désigner Timan Erdim au commandement de la nouvelle force
armée de la résistance. Le cursus de cet homme, ex-proche de Déby et
donc ancien faiseur de « rois » de l’administration tchadienne, a
certes beaucoup joué dans le choix des parrains soudanais. Mais il faut
rappeler qu’après tout, ce sont les Tchadiens qui ont entériné ce
choix, posant par là-même un acte chargé de sens aux yeux des
populations tchadiennes. Le général Mahamat Nouri, les Colonels Adouma
Hassaballah, Adoum Yacoub Kougou, Ahmat Hassaballah Soubiane,
Abdelwahid Makaye, les anciens ministres Abderamane Koulamallah,
Acheikh Ibni Oumar, etc. ont décidé de porter Timan Erdimi à la tête de
l’UFR. Que demander de plus ?
Les Tchadiens doivent se réjouir de cette nouvelle donne que nous
n’avons cessé d’appeler de tous nos vœux. Quel que soit ce que Timan
Erdimi ait fait ou ait pu faire de mauvais hier, il importe de se
mettre de son côté aujourd’hui pour que demain soit un autre jour, un
meilleur jour pour tous les Tchadiens quels qu’ils soient. Les
Tchadiens doivent se mettre ensemble pour essayer de donner à notre
pays une autre image que celle d’un conglomérat d’individus avides de
la guerre, des détournements de deniers publics, de derniers de la
classe. Il faut, sans hésitation, se mettre avec l’UFR et Timan Erdimi
pour que se réalisent les vœux du général Mahamat Nouri ainsi que ceux
des Colonels Adouma Hassaballah, Adoum Yacoub Kougou, Ahmat Hassaballah
Soubiane, Abdelwahid Makaye et ceux anciens ministres Abderamane
Koulamallah, Acheikh Ibni Oumar. Soutenons la rébellion armée pour
forcer Déby à quitter le pouvoir. Il faut se mettre ensemble pour que
le Tchad de demain ne soit pas à l’image de celui qui nous est
familier. Il faut se mettre ensemble pour créer les conditions
favorables à l’expression d’une réelle démocratie, pour édifier un
véritable état de droit dans notre pays. Il faut se mettre ensemble
pour donner un autre destin à notre pays ; un destin autre que celui
d’un pays raté, d’un Etat néant. Pour affronter et combattre les
ennemis de notre pays, voici venir le temps de dépasser nos
considérations ethniques pour se mettre ensemble aux côté de l’UFR
telle qu’elle est voulue par ses pères fondateurs.
Lyadish Ahmed
Paris, le 25 janvier 2009