La mort de Lansana Conté plonge la Guinée dans la confusion
Des soldats guinéens ont annoncé mardi à la radio
publique la dissolution du gouvernement et de la constitution quelques
heures après la mort du président Lansana Conté (au premier plan),
suggérant l'imminence d'un coup d'Etat.
La plus grande confusion régnait à Conakry après l'annonce dans la
nuit de la mort de Conté, décédé lundi d'une longue maladie à l'âge de
74 ans. Il dirigeait le pays d'une main de fer depuis 1984 malgré une
santé déclinante.
Joints par Reuters, des journalistes de la radio ont déclaré qu'un
groupe de soldats avait fait irruption au siège de la radio et ordonné
la lecture d'un communiqué annonçant la création d'un conseil
consultatif chargé de nommer dans les prochains jours un nouveau
président et un gouvernement.
L'identité des mutins restait floue dans l'immédiat.
L'armée obéissait à Conté. Maintenant qu'il n'est plus là... s'inquiétait un journaliste guinéen sous le sceau de l'anonymat.
Le président Lansana Conté, qui vivait le plus souvent reclus ces
dernières années, souffrait notamment de diabète. Il s'était rendu à de
nombreuses reprises à l'étranger depuis 2002 pour des traitements
médicaux, que ce soit au Maroc, à Cuba ou en Suisse.Le Premier ministre, Ahmed Tidiane Souaré, le président de
l'Assemblée nationale Aboubacar Somparé, le chef des forces armées
Diarra Camara et d'autres hauts responsables sont apparus dans la nuit
à la télévision nationale à l'annonce de sa mort.
"J'ai la lourde et difficile tâche de vous informer avec une
profonde tristesse du décès du général Lansana Conté, président de la
République de Guinée, à la suite d'une longue maladie", a déclaré
Somparé, qui a demandé à la Cour suprême de le nommer chef de l'Etat
par intérim, conformément à l'article 34 de la Constitution.
DEUIL DE 40 JOURS
Il serait dès lors chargé d'organiser une élection présidentielle
dans un délai de 60 jours pour trouver un successeur à Conté, qui n'a
jamais clairement désigné de "dauphin". Somparé a également annoncé un deuil national de 40 jours.
Un des dirigeants de l'opposition, Jean-Marie Doré, de l'Union pour
le progrès de la Guinée (UPG), s'est déclaré attristé par la
disparition d'un "compatriote".
"Le plus important est à venir: il faudra absolument que les
institutions fonctionnent normalement et que les dispositions de la
constitution soient respectées", a-t-il dit avant que des soldats ne prennent le contrôle de la radio publique.
Bien que le président se soit éteint lundi à 18h00 GMT, les
autorités ont attendu la nuit, alors que la majeure partie du pays
dormait, pour annoncer le décès.
Lansana Conté, qui appartenait à l'ethnie Soussou, minoritaire en
Guinée-Conakry, s'était emparé du pouvoir quelques jours après la mort
du premier chef de l'Etat du pays, le dictateur marxiste Ahmed Sékou
Touré, décédé en mars 1984.
Né vers 1934 dans une famille paysanne de Moussayah Loumbaya (région
de Kindia), Conté s'était engagé dans l'armée française en 1955. Deux
ans plus tard, il était affecté en Algérie pour lutter contre les
insurgés. Lorsque la Guinée opta pour l'indépendance, en 1958, il fut
l'un des premiers militaires guinéens à revenir au pays pour y servir
le tout nouvel Etat.
Après son arrivée au pouvoir en 1984, il installa un gouvernement
composé pour moitié de civils, entreprit de démanteler l'Etat policier
le plus dur que comptait alors l'Afrique de l'Ouest et s'employa à
améliorer les relations entre Conakry et les pays voisins.
Ménageant tout d'abord de bonnes relations avec les Soviétiques, il
se tourna peu à peu vers les Etats-Unis, intéressés par la bauxite dont
la Guinée est grand producteur, et entreprit de se réconcilier avec
l'ancienne puissance coloniale, la France.
INSTABILITÉ DEPUIS DEUX ANS
Alors qu'une vague de démocratisation se propageait à travers
l'Afrique, au début des années 1990, il instaura le pluralisme et
remporta en 1993 la première présidentielle multipartite. Mais les
opposants crièrent à la manipulation des résultats, qui avaient été
annulés dans les secteurs où ils étaient le mieux implantés.
En 1996, le président Conté survécut à un coup de force qui fit des
dizaines de morts. Son principal opposant, Alpha Conté, fut arrêté
avant le scrutin de 1998, que le président remporta dans un fauteuil.
Le référendum constitutionnel de 2001 - assimilé par l'opposition à
un coup d'Etat - releva l'âge limite d'exercice du président. Sa
victoire à la présidentielle de décembre 2003 lui garantissait de
rester au pouvoir jusqu'en 2010.
Le 2 octobre dernier, la Guinée avait fêté le cinquantenaire de son
indépendance. Depuis des années, l'opposition pressait Conté de se
retirer du pouvoir, en raison de son état de santé. Le pays a connu
divers troubles sociaux ces deux dernières années - des émeutes firent
plus de 180 morts début 2007 -, et une grande instabilité
gouvernementale.
Une mutinerie a secoué plusieurs villes du pays en mai dernier, motivée par des retards dans le paiement de la solde.